L'herbe poussera sur vos villes

On croirait tout d’abord des décors de cinéma, ceux d’un film de Tarkovski inachevé par exemple, qu’on aurait abandonnés telle une capsule de temps scellée et enterrée. De lents mouvements d’appareil les explorent, des travellings – latéraux, avant, arrière, et verticaux – qui ne sont pas sans rappeler (non par hasard, assurément) ceux de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, ou de Méditerranée de Jean-Daniel Pollet. Une même grâce et une même pesanteur les animent, une même conscience tragique et, sans doute aussi, une même quête de la beauté. C’est une œuvre-monde que l’on découvre ainsi, un univers où la matière, malgré sa profusion, ne paraît jamais en excès. Une œuvre de terre, de feu, de lumière, mais aussi bien de cendres et de plomb qu’Anselm Kiefer et ses collaborateurs sculptent inlassablement dans un athanor démesuré, selon un processus alchimique dont lui seul aurait le secret.

Fabien David
Programmateur du cinéma Le Bourguet de Forcalquier