Nous sommes en l'an 5758 du calendrier juif, ou en 1998 "Anno Domini". Tous les soirs, à l'heure du dîner, Matthias Zwilling, 70 ans, rend visite à Rosa Roth-Zuckermann, 90 ans, pour lire le journal, regarder la télé, refaire le monde et égrener le temps. "Herr Zwilling und Frau Zuckermann" comptent parmi les rares juifs de leur génération qui vivent encore dans la ville de Tchernivtsi, jadis creuset de la culture juive en Bucovine, cette ancienne Terre de la Couronne à l'est de l'empire des Habsbourg devenue, au terme d'un siècle d'occupations, de démembrements, de guerres et de génocide, province périphérique du sud-ouest de l'Ukraine indépendante. Ces deux amis de longue date, qui partagent les soucis matériels du présent, cultivent aussi une passion pour l'allemand.
Réalisateur | Volker Koepp |
Acteur | Jürgen Ellinghaus |
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"L’automne me mange sa feuille dans la main :
nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne dans l’écale."
Ces vers de Paul Celan, natif de Czernowitz, représentant le plus éminent de la tradition littéraire multiculturelle et plurilingue de sa ville, nous les entendons en compagnie de dame Zwilling et sieur Zuckermann, lus par leur auteur, sur un magnétophone, au milieu d'une des rencontres vespérales qui structurent le film. Sept ans après la fin de l'URSS, Volker Koepp peut se rendre dans cette ville "où les hommes cohabitaient avec les livres" d'après le même Celan, pour y cueillir les témoignages d'un monde disparu et les premiers signes d'une culture juive renaissante.
Lumières et couleurs automnales des paysages et de la ville, intonations et voix des chants et des prières, tout concourt ici pour brosser un tableau dominé par le sentiment de perte et la mélancolie. S'il n'y avait l'ironie des quelques anecdotes, des histoires gaies surgissant comme en contrepoint au milieu de récits de vies désabusés et de souvenirs nostalgiques. "Vous ne dites rien. Il faut parler", se fait aimablement sommer le réalisateur, toujours aussi taciturne, lors d'un bref face-à-face avec une trépidante nonagénaire revenue de loin. Mais fidèle à sa démarche qui est devenue au fil de ses films une véritable technique d'entretien, Koepp ne sort pas de la retenue qui lui est propre. Et c'est grâce à ces moments tacites qui marquent les échanges avec ses interlocuteurs, dont la tenue et la dignité forcent le respect, que ce film, précieux témoignage vivant d'un temps révolu, trouve son lyrisme et sa balance.
Jürgen Ellinghaus,
Réalisateur
"L’automne me mange sa feuille dans la main :
nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne dans l’écale."
Ces vers de Paul Celan, natif de Czernowitz, représentant le plus éminent de la tradition littéraire multiculturelle et plurilingue de sa ville, nous les entendons en compagnie de dame Zwilling et sieur Zuckermann, lus par leur auteur, sur un magnétophone, au milieu d'une des rencontres vespérales qui structurent le film. Sept ans après la fin de l'URSS, Volker Koepp peut se rendre dans cette ville "où les hommes cohabitaient avec les livres" d'après le même Celan, pour y cueillir les témoignages d'un monde disparu et les premiers signes d'une culture juive renaissante.
Lumières et couleurs automnales des paysages et de la ville, intonations et voix des chants et des prières, tout concourt ici pour brosser un tableau dominé par le sentiment de perte et la mélancolie. S'il n'y avait l'ironie des quelques anecdotes, des histoires gaies surgissant comme en contrepoint au milieu de récits de vies désabusés et de souvenirs nostalgiques. "Vous ne dites rien. Il faut parler", se fait aimablement sommer le réalisateur, toujours aussi taciturne, lors d'un bref face-à-face avec une trépidante nonagénaire revenue de loin. Mais fidèle à sa démarche qui est devenue au fil de ses films une véritable technique d'entretien, Koepp ne sort pas de la retenue qui lui est propre. Et c'est grâce à ces moments tacites qui marquent les échanges avec ses interlocuteurs, dont la tenue et la dignité forcent le respect, que ce film, précieux témoignage vivant d'un temps révolu, trouve son lyrisme et sa balance.
Jürgen Ellinghaus,
Réalisateur
Français