Ce film se base sur un livre qui n’a jamais été imprimé : le rapport du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, qui rassemble pour la première fois 25 études de cas permettant de démontrer la responsabilité des entreprises argentines dans la répression qu’ont subie leurs ouvriers.
Réalisateur | Jonathan Perel |
Acteur | Antoine Thirion |
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Rendre visible, et soutenir cette visibilité dans la durée, voilà à quoi Jonathan Perel s’attache avec rigueur, résolution et simplicité. Son nouveau long métrage (après notamment "Toponimia" en 2015) se substitue à l’absence physique d’un rapport du Ministère de la Justice et des Droits de l’homme d’Argentine, documentant vingt-cinq cas où des entreprises nationales et internationales — dressant des listes de travailleurs syndiqués à faire disparaître, fournissant à l’armée un appui logistique ou bien encore ouvrant dans leurs enceintes des centres de détention secrets — se sont faites les complices actives d’une dictature qui a réprimé à partir de 1976 ses opposants et sa classe ouvrière. L’existence, la disponibilité et l’absence physique paradoxale de ce rapport jamais publié reflète bien la présence de cette complicité néo-libérale au potentiel répressif toujours imminent. Si les preuves et les documents ne produisent pas d’effets malgré leur abondance, que manque-t-il ? Certain qu’il n’est pas possible de conjurer le trauma sans lui fabriquer un corps, Perel produit des images qui, sans être jamais solennelles, ont la rugosité et la précision du réel. Réactivant un texte dense en une lecture entêtante, il collecte, au gré d’un voyage de plus de 14 000 kilomètres, les images des logos et des façades des entreprises responsables. La simplicité de la structure libère la dimension performative du geste : lecture pour mémoire, fixité d’une caméra portée dans l’habitacle de la voiture, temps pur d’une embuscade tendue face au suspens inique de la légalité.
Antoine Thirion
critique et membre du comité de sélection de Cinéma du réel
et du festival de Locarno
Rendre visible, et soutenir cette visibilité dans la durée, voilà à quoi Jonathan Perel s’attache avec rigueur, résolution et simplicité. Son nouveau long métrage (après notamment "Toponimia" en 2015) se substitue à l’absence physique d’un rapport du Ministère de la Justice et des Droits de l’homme d’Argentine, documentant vingt-cinq cas où des entreprises nationales et internationales — dressant des listes de travailleurs syndiqués à faire disparaître, fournissant à l’armée un appui logistique ou bien encore ouvrant dans leurs enceintes des centres de détention secrets — se sont faites les complices actives d’une dictature qui a réprimé à partir de 1976 ses opposants et sa classe ouvrière. L’existence, la disponibilité et l’absence physique paradoxale de ce rapport jamais publié reflète bien la présence de cette complicité néo-libérale au potentiel répressif toujours imminent. Si les preuves et les documents ne produisent pas d’effets malgré leur abondance, que manque-t-il ? Certain qu’il n’est pas possible de conjurer le trauma sans lui fabriquer un corps, Perel produit des images qui, sans être jamais solennelles, ont la rugosité et la précision du réel. Réactivant un texte dense en une lecture entêtante, il collecte, au gré d’un voyage de plus de 14 000 kilomètres, les images des logos et des façades des entreprises responsables. La simplicité de la structure libère la dimension performative du geste : lecture pour mémoire, fixité d’une caméra portée dans l’habitacle de la voiture, temps pur d’une embuscade tendue face au suspens inique de la légalité.
Antoine Thirion
critique et membre du comité de sélection de Cinéma du réel
et du festival de Locarno
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