De la planète des humains

« C'est une fable… C'est une histoire vraie. » Comme à son habitude, Giovanni Cioni brouille les pistes et nous propose un objet hybride, impur, où les registres, textures et matériaux se superposent et se répondent. De sa voix calme et posé, il nous amène à la frontière. À quelques mètres de l'endroit où dans les années 20 un médecin enfermait des singes dans des cages pour offrir la jeunesse éternelle à quelques puissants, on enferme aujourd'hui les migrants avant de les renvoyer en Italie. Les illusions des années folles, simultanées à la montée du fascisme, les films muets où King Kong menaçait la civilisation, font écho à un présent où le déni est toujours là. « Le silence est encore pire que la mort, comme si cela n'existait pas. » L'émotion nous gagne soudain devant une veste abandonnée sur un sentier, alors que Cioni nous raconte l'histoire de ce juif italien fuyant le régime mussolinien par ce même passage escarpé. La mort, la vie, réunis par le cinéma, dans ce film étrange et puissant.

Éva Tourrent
Responsable artistique de Tënk