Escale photographique


La 50e édition des Rencontres internationales de la photographie d'Arles est une occasion rêvée pour vous présenter quelques œuvres récentes qui témoignent de l’inventivité et de la vitalité des liens qu’entretiennent les formes documentaires photographiques et filmiques.

La photographie se nourrit de cinéma ; le cinéma, de photographie. En s'emparant de la photo, les réalisateurs la renouvellent, lui réinventent une intériorité. Qu'ils soient cinéastes photographes ou photographes cinéastes, qu'importe : ils embarquent la photographie dans une autre dimension, faite d'une autre forme de durée, de mouvement, une autre forme de récit.

Notre Escale Arlésienne fait le point sur quelques films documentaires dans lesquels la photographie est mise en question et en cinéma. Divisée en deux, l'Escale propose d'une part des films documentaires composés et articulés autour de la puissance et des spécificités artistiques de la photographie. D'autre part, nous vous invitons à découvrir et interroger la pratique même de la photographie comme art ou artisanat, à travers la figure du photographe au travail.

Un panel de films documentaires composés et articulés en partie ou en totalité par la photographie :

La photo est utilisée dans les films documentaires d’auteurs de manière très diverse. Pour en comprendre certaines fonctions et esquisser les contours des possibles mariages entre cinéma et photo, nous vous proposons de découvrir quatre films à nos yeux très différents dans la manière dont ils utilisent les formes photographiques documentaires. Ce sont pour trois d’entre eux des films courts, dans lesquels s'expérimente de manière assez radicale une façon de mettre en scène la photographie.
Qu’apporte de plus la photo filmée ? Comment se démarque-t-elle de la photo exposée ? Sa nature ne change pas. Mais au lieu de fixer seule les règles du temps - cliché instantané ou résultat d’un long travail de mise en scène - elle joue là dans un autre registre : elle devient un plan ou une séquence parmi d’autres. Elle joue collectif. En groupe. Elle dépend de la photo précédente, et de la photo suivante. Elle se confronte alors à des questions de récit à plusieurs. Et donc de montage. Et donc de dramaturgie. Elle est aussi confrontée à un autre élément de la création cinématographique : la composition sonore. Et l’on verra dans ce premier panel combien les créateurs jouent à combiner ce couple son et photo pour créer l'hybridation qui donne sa puissance à une œuvre.

Malanka, très esthétique, magnifie la beauté du monde : quelque part dans les collines ukrainiennes, on célèbre une fête païenne dont les ours sont les héros. Ralentissement du mouvement : on consacre du temps à l'image et notre attention est irrésistiblement attirée vers ailleurs, vers l'oreille, vers l'écoute d'un commentaire. Dans Enzo les images fixes sont en mouvement ! Cadre de la photographie et cadre du film jouent ensemble pour créer rythme et récit : ici, c'est progressivement que l'on découvre un jeune homme extraordinaire, par des détails, des images fixes, des objets lui appartenant et qui parlent de lui.
Face à Face est le film le plus frontal de notre sélection. Des photos défilent et déploient leur propre puissance. Des visages et des visages, qui nous regardent autant qu'on les regarde. Dans une forme simple et radicale, le film interroge l’humanité dans toutes ses marges.
Paysage ordinaire est un long métrage. Dans un registre plus classique, le récit prend appui sur une photo du passé, de 1958, repère temporel du film. En 2018, 60 après, d'une époque à l'autre, d'une image fixe à une image en mouvement, le film raconte les mutations et persistances d'un monde paysan et de ses pratiques.

Trois films portraits : filmer la pratique des photographes pour en révéler l’oeuvre.

On aurait pu intituler cet ensemble de films “portraits de photographes au travail“, mais aussi “biopic documentaire du photographe“ tant la photo donne accès à l’intériorité de ces créateurs.
Mais ces films ne sont pas seulement à voir pour ce qu’ils documentent : le corps et l’attitude du photographe au travail. Ils sont aussi pris dans un récit qui nous éclaire sur l'auteur du film lui-même, le cinéaste, ses parcours de vie, ses obsessions, tout ce qui commande la forme qu’il adopte dans la manière de célébrer l’œuvre photographique et le photographe qui la porte.

Dans Le Sel de la terre, le photographe Sebastião Salgado, qui depuis toujours parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation, se lance à la découverte de territoires vierges aux paysages grandioses, dans un gigantesque projet photographique, hommage à la beauté de la planète. Sa vie et son travail nous sont révélés par les regards croisés de son fils, Juliano, qui l’a accompagné dans ses derniers périples et de Wim Wenders, lui-même photographe. Dans Harry Gruyaert, photographe Gerrit Messiaen suit le photographe belge, de New York à Paris, de Bruxelles, à Ostende ou Anvers. Le parti pris du réalisateur est très clair : être sur le terrain, à côté du photographe, en cinéma direct, et épouser la determination avec laquelle Harry Gruyaert s'emploie à saisir des fragments de réel “à l’intuition“. Évidente mise en parallèle avec le travail du documentariste, attentif au monde qui l'entoure... Enfin, dans le film Iddu, l’atelier de Jean-Michel Fauquet, Henry Colomer suit le travail de l'artiste dans son atelier. On s'invite dans les “petits mondes“ qui se créent devant nous : celui des gestes, des hésitations et des décisions du photographe. Mais on s'invite aussi dans les images mêmes : l'image cinéma chemine à l'intérieur de l'image photo, nous la fait d'autant mieux découvrir, et nous montre... une manière de voir.

Jean-Marie Barbe,
Cofondateur des États généraux du film documentaire et de Tënk


LE PROGRAMMATEUR

JEAN-MARIE BARBE


Jean-Marie Barbe est réalisateur, producteur et porteur de projets dans le milieu du cinéma documentaire. Il est né à Lussas (Ardèche) en 1955. Il se passionne pour le cinéma dès son plus jeune âge. Dans les années 1970, il étudie les sciences humaines à l’université et s’engage dans des combats sociaux libertaires et écologiques qui le conduisent au documentaire "politique". Il nourrit alors la conviction de rester en milieu rural afin de le transformer par le cinéma. Il réalise plusieurs films et fonde en 1978, avec trois amis, l’association Le Blayou, dans le but d’organiser le festival "Cinémas des pays et régions" contre le centralisme parisien du cinéma. En 1979, l’association devient Ardèche Images. C’est sous l’impulsion de la Bande à Lumière et d’Ardèche Images que vont s'organiser les premiers États généraux du film documentaire en 1989. C’est le point de départ d’une activité tournée vers le cinéma à Lussas, activité qui se poursuit aujourd’hui à travers plusieurs structures. Jean-Marie Barbe continue également la réalisation. Son dernier film, coréalisé avec Arnaud Lambert en 2016, est consacré au cinéaste Chris Marker, "Chris Marker Never explain never complain".

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