Collage de scènes filmées à proximité de plateaux et de lieux de tournage à Manille, ce court métrage se regarde comme une fiction — cadeau à une enfant du nom d’Aki Tala, qui regardera quand elle aura grandi l’œuvre de son père pour la première fois.
Réalisateur | John Torres |
Acteur | Antoine Thirion |
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D’une manière qui évoque "Cuadecuc, vampir" (1971) ou Pere Portabella détournait le making-of du tournage du Comte Dracula de Jess Franco pour évoquer l’Espagne sous Franco, John Torres emploie des bribes d’images produites par lui même sur les tournages de films philippins récents pour évoquer l’archipel sous le régime violent et misogyne de Rodrigo Duterte. Pliées à la loi d’un récit volontairement sommaire et extravagant, impliquant des motards téléguidés à leur dépens par les utilisateurs d’une application de smartphone ou une bombe déguisée en grenouille dans un attentat perpétré dans un karaoké au moment ou s’y chante "My Way" — allusion aux multiples et machistes altercations fatales qui en ont sanctionné ces dernières années dans la rue ses interprétations médiocres — ces documents font bien sûr davantage que de satisfaire la curiosité cinéphile d’y voir, par exemple, Lav Diaz un café à la main sur le tournage de "Halt" (2019) : ils documentent l'atmosphère d’un pays où la réalité depasse tragiquement même la plus invraisemblable des fictions. Ou l’on meurt pour de fausses notes, où un président se vante de ses crimes, où une guerre contre la drogue sert de justification invraisemblable a des milliers d’exactions, et où des escadrons militaires lancés dans la nuit d’une fiction dystopique exagèrent à peine une réalité politique. Combinant à son habitude l’usage de found footage et la pratique d’un cinéma diaristique, John Torres fait peu à peu entendre une berceuse et apparaître l’image de sa fille : souhaitons-lui un monde où les histoires servent à s’endormir.
Antoine Thirion
critique et membre du comité de sélection de Cinéma du réel
et du festival de Locarno
D’une manière qui évoque "Cuadecuc, vampir" (1971) ou Pere Portabella détournait le making-of du tournage du Comte Dracula de Jess Franco pour évoquer l’Espagne sous Franco, John Torres emploie des bribes d’images produites par lui même sur les tournages de films philippins récents pour évoquer l’archipel sous le régime violent et misogyne de Rodrigo Duterte. Pliées à la loi d’un récit volontairement sommaire et extravagant, impliquant des motards téléguidés à leur dépens par les utilisateurs d’une application de smartphone ou une bombe déguisée en grenouille dans un attentat perpétré dans un karaoké au moment ou s’y chante "My Way" — allusion aux multiples et machistes altercations fatales qui en ont sanctionné ces dernières années dans la rue ses interprétations médiocres — ces documents font bien sûr davantage que de satisfaire la curiosité cinéphile d’y voir, par exemple, Lav Diaz un café à la main sur le tournage de "Halt" (2019) : ils documentent l'atmosphère d’un pays où la réalité depasse tragiquement même la plus invraisemblable des fictions. Ou l’on meurt pour de fausses notes, où un président se vante de ses crimes, où une guerre contre la drogue sert de justification invraisemblable a des milliers d’exactions, et où des escadrons militaires lancés dans la nuit d’une fiction dystopique exagèrent à peine une réalité politique. Combinant à son habitude l’usage de found footage et la pratique d’un cinéma diaristique, John Torres fait peu à peu entendre une berceuse et apparaître l’image de sa fille : souhaitons-lui un monde où les histoires servent à s’endormir.
Antoine Thirion
critique et membre du comité de sélection de Cinéma du réel
et du festival de Locarno
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