Partir un jour

Partir un jour

"Quand il s’agit de partir, nous ne savons jamais ce qui nous attend"
Jean-Luc Nancy, Partir – Le Départ  

Qui n'a jamais ressenti l'envie de tout plaquer ? De partir ? De quitter la routine et son quotidien ?
Un jour, il n'est plus possible de rester là où l'on est, et le départ apparaît comme une évidence, une nécessité. Mais pour aller où ? Cette rupture, qu'elle soit soudaine ou réfléchie, est ambivalente : se diriger vers un ailleurs, vers de nouvelles rencontres bien souvent fantasmées ou bien trouver refuge en marge du monde, dans une volonté de changement autant que de protection, au risque de la solitude ? Alors, partir : partage ou partition ?

À l'heure où sonne la fin des vacances et le retour vers l'école ou le bureau, nous vous proposons cinq films où les protagonistes sautent le pas et larguent les amarres. Une métaphore maritime déjà tissée par le neurobiologiste Henri Laborit dans son "Éloge de la fuite", best-seller publié au milieu des années 70 et quelque peu oublié : "la fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers."

Si partir, c'est mourir un peu, comme le dit l'ancien dicton, c'est d'abord la possibilité de vivre. Ou plutôt d'explorer de multiples possibilités de vivre. Il existe ainsi autant de départs que de façons de traverser cette pulsion vers l'inconnu, que ce soit dans une démarche de rencontre avec l'autre ou bien plus souvent avec soi-même. Car l'exploration, aussi attirante qu'elle semble, s'avère bien souvent existentielle, voire métaphysique. Quitter sa routine, c'est mettre ses racines et ses repères en jeu, c'est aller questionner le vivre ensemble, voire le sens de la vie elle-même, c'est bien souvent accéder à soi. 

Life Without Death, est un film à nul autre pareil. Un objet fou, à la mesure du projet de son auteur, Frank Cole. Pour conjurer la mort de son grand-père aimé, il décide en effet de traverser le Sahara seul, absolument seul, d’Ouest en Est. Une démarche où chaque pas est un pied de nez à la grande faucheuse. À tout instant, la soif, l'épuisement, un serpent autant qu'un bandit peut stopper cet exploit sportif, humain autant que cinématographique puisqu'il filme lui-même en pellicule son épopée à dos de dromadaire…

Cette idée du déplacement, du mouvement, le cinéma américain en a fait un genre en lui-même : le road-movie. Deux films de cette programmation s'en inspirent pour mieux mettre en scène et s’interroger sur la création. Deux voyages où les artistes sont parties prenantes du projet et du film. Dans C'est assez bien d'être fou, Antoine Page et le street-artist Zoo Project vont traverser l'Europe de l'Est jusqu'en Sibérie, dans leur camion brinquebalant. Grâce à la réalisation in situ de fresques monumentales – et sublimes –, ils vont tous deux rencontrer les habitants et l'histoire des de ces ex-territoires soviétiques. Dans L.A. Tea Time, la réalisatrice Sophie Bédard Marcotte prend le prétexte de la rencontre avec une artiste qui l'a beaucoup inspirée pour quitter le froid de l'hiver à Montréal et traverser les États-Unis avec son amie cheffe opératrice. Une épopée pleine d'humour sur le sens de l'art et de la vie.

De tous temps, les scientifiques se sont aussi essayés au départ et à l'exploration pour les besoins de la recherche. Qu'il s'agisse pour les ethnologues d'aller étudier les cultures et sociétés lointaines mais également pour les astronomes d'explorer des planètes un peu plus lointaines.
24:37 est une rencontre avec un candidat à l'exil sur la planète Mars : comment s’entraîne-t-on, pour un voyage a priori sans retour ? L'Exilé du temps retrace l'exil volontaire d'un scientifique sous un glacier, se soustrayant au rythme du jour et de la nuit, perdant les repères communs à tous du temps et de l’espace. Dans les deux cas, c'est bien la question d'appartenir à la communauté des humains dont il est question.

Enfin, à l'heure du "Big Quit" (que nos médias traduisent par "grande démission") où, après les États-Unis, l'Europe voit à son tour de plus en plus de personnes quitter volontairement leur travail, Le Marcheur résonne avec l'histoire de toutes celles et ceux qui n'en peuvent plus de leurs conditions de travail, de ce que la société, les patrons et le besoin d’argent leur imposent de faire. Quand on perd le sens de nos vies, pourquoi ne pas tout quitter et puis partir marcher ?

"Partir un jour, sans retour, disait la chanson, sans se retourner, ne pas regretter, penser à demain, recommencer…" Si le voyage est souvent un retour aux sources et au commencement, dans tous les cas, c'est bien l'inconnu qui est au rendez-vous.  

L'équipe éditoriale de Tënk

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