Quoi de commun entre les bergers des hauts pâturages suisses allemands qui portent la pratique du yodel au rang des beaux arts, les maîtres musiciens de Jajouka qui illuminent le Rif marocain, des punks hongrois revenus de tout et surtout de leurs idéaux de jeunesse, les chanteuses au visage minéral de l’île de Zanzibar, les jeunes rappeurs tunisiens en guerre contre le pouvoir, les musiciens tsiganes des abords du Danube ou ces rockers marocains qui refusent la modernité à tout crin ?
Toutes et tous, héros et héroïnes du local, princes et princesses de leurs territoires et de leurs communautés, ne revendiquent rien. Ils se contentent de soulever des questions désormais plus qu’essentielles en une époque abîmée par les conséquences de la mondialisation : comment maintenir tendue une ligne entre nous et le monde qui nous entoure ? Comment réinvestir des pratiques locales, en restant à notre échelle, à l’intérieur de nos contours, tout en puisant chez l’autre des ressources et des forces, qu’elles soient culturelles, politiques, sociales ? Comment réinvestir notre propre communauté en plongeant dans celles qui nous environnent ?
Ce programme “cloche-pied” est une invitation à un autre usage du monde. Les sept films qui le composent lèvent le voile sur des pratiques musicales ancrées dans des territoires, c’est-à-dire des pratiques profondément politiques, bien loin du folklore et de ses musées. Ils forment un archipel très vivant, temporaire et utopique, une petite zone radicale aussi par sa douceur et un appel à laisser l’âme voguer. Pour mieux résister.
Benoît Hické, programmateur et enseignant
Co-directeur artistique de FAME, festival international de films sur la musique