Cette année marque la 30e édition des États généraux du film documentaire de Lussas. L'occasion de vous proposer un parcours en 9 films passés par ce rendez-vous non-compétitif qui s'est toujours fait l'écho des mouvements tectoniques de la planète cinéma. En effet, j'ai choisi ces films pour leurs qualités intrinsèques, chacun représente un courant, un mouvement ou un symptôme qui a marqué l’évolution des formes documentaires.
Mais d'abord quelques éléments sur les origines de la manifestation.
Tout a commencé par un film documentaire que nous avions réalisé avec quelques copains en Cévennes sur la tradition orale. Montrer ce film seul nous paraissait un non sens, alors nous avons décidé d’organiser en 1978 un festival à Lussas qui s’intitulerait "Cinéma des pays et régions". Tout ce qui se faisait de cinéma indépendant et politique était au rendez vous au point que très vite les films sur Lip, le Larzac, Malville, Plogoff, le MLAC, les films tiers-mondistes… étaient au cœur de notre programmation, mais également des essais plus incertains avec une dominante documentaire. Rendez-vous des productions naissantes en région et de structures de production indépendantes parisiennes, un réseau de complicités autour du documentaire était né.
Je participais à la création d’une association sur Paris durant l’hiver 1984-1985. "La bande à Lumière" regroupait des réalisateurs producteurs indépendants pour beaucoup issus du cinéma documentaire politique des années 70. Constatant avec la multiplication des TV et l’avènement de la vidéo qu’une époque et une économie nouvelle se dessinait, nous étions convaincus que le documentaire devait en être et qu’il y avait donc nécessité à mettre en lumière ce "genre".
Deux projets virent le jour au sein de l’association. Le premier, proposé par Olivier Masson, fût la création de la Biennale européenne du documentaire de Lyon en janvier 1989 qui deviendra un an plus tard le Sunny Side of the Doc de Marseille. Pour le deuxième, avec le soutien de quelques uns de la bande, je proposais la création des États Généraux du documentaire à Lussas pour août 1989. L'idée était de créer un temps où l’on verrait des films choisis sans créer de prix ni de compétition. Un temps de réflexion, considérant que les différentes formes de cinéma sont avant tout de la pensée. En pleine campagne, Lussas offrait ainsi une sorte d’extraterritorialité : un temps de rupture propice aux rencontres et aux échanges dénués de toute mondanité.
Jean-Marie Barbe,
Cofondateur des États généraux du film documentaire et de Tënk