Le 28 octobre 2023, Armita Garavand, une lycéenne iranienne d’origine kurde de 16 ans, est décédée. Elle avait passé vingt-huit jours dans le coma, après une agression de la police des mœurs dans le métro de Téhéran. Cet événement tragique fait écho à la mort en détention, il y a un peu plus d’un an, de Masha (Zhina) Amini, après avoir été arrêtée par la police des mœurs. Les soulèvements qui ont suivi ont pris, durant des mois, une ampleur considérable à travers le pays, réclamant, sous le slogan repris au mouvement national kurde « Femme, Vie, Liberté », la fin de la République Islamique.
Narges Kahlor, dans le très court métrage Sensitive Content, explore les vidéos de ces soulèvements postées sur les réseaux sociaux, dont le « contenu sensible » est flouté par les plateformes. Derrière le petit œil barré qu’elles affichent en guise d’avertissement, ce sont des manifestant·es violenté·es par les forces de l’ordre, images auxquelles la cinéaste redonne une visibilité, tout en rendant hommage aux témoins qui ne détournent par le regard, et documentent les événements au risque de leur vie.
Car la répression dont fait preuve l’État iranien est sans commune mesure. À ce jour, et depuis le début des manifestations de 2022, plus de cinq cent manifestant·es ont été tué·es, et des milliers emprisonné·es. Treize ans auparavant, en 2009, un soulèvement populaire avait déjà agité l’Iran, suite à la réélection du président conservateur Mahmoud Ahmadinejad, accusé de fraude électorale. Le film de Sanaz Azari, Salaam Isfahan, se passe à la veille de ces élections, en juin 2009. La cinéaste revient à Isfahan, où elle est née. De l'espace public de la rue à l'espace privé des maisons, des Iranien·nes se laissent prendre en photo par la cinéaste. Au travers du dialogue engendré par la séance photo et de leur façon de se mettre en scène, les personnages se révèlent et une question émerge. Quelles sont les limites spatiales et morales de l'autorité d'un régime?
L’histoire des soulèvements populaires iraniens ne saurait se réduire à la période allant de 2009 à 2022. Bani Khoushnoudi prend comme point de départ les manifestations du « mouvement vert » de 2009 dans son chef-d’œuvre The Silent Majority Speaks, qui fut d’abord diffusé de manière clandestine sous le pseudonyme The Silent Collective (le collectif silencieux). Son film revient sur un siècle d’oppression et de révolte, interrogeant la communauté, l’autorité, le patriarcat, la mémoire et la répétition à travers l’histoire iranienne et les images qui ont servi à la construire, dans leurs puissances léthales, autant qu’émancipatrices. The Silent Majority Speaks propose une analyse politique nécessaire, et ajoute sa pierre à l’édifice d’une mémoire collective