D’hier à aujourd’hui, comment le sport témoigne-t-il de la société ? Comment la société regarde-t-elle le sport ? Depuis sa naissance, le cinéma cohabite avec le sport. Rappelons que le baron Pierre de Coubertin a eu l’idée de faire renaître les Jeux olympiques en 1896, une année seulement après la première projection publique de cinéma au Grand Café, à Paris. Mais on ne peut résumer la façon de filmer le sport à la somme des actions qui le constitue. Chaque époque en propose une actualisation qui ne laisse personne indifférent.
Les Sorcières de l’Orient, avec des images d’archives tournées à la fin de la Guerre froide, nous rappelle que le sport et la politique cohabitent souvent. En triomphant de l’équipe de l’Union soviétique jugée invincible, les ouvrières japonaises de l’équipe de volley-ball ont contribué à réintégrer le Japon dans la cour des grandes puissances, précédant ainsi l’immense développement de ce pays meurtri après la Deuxième Guerre mondiale.
Le général de Gaulle n’était pas un passionné de sport mais il avait compris son importance symbolique. Après les mauvais résultats de l’équipe de France aux Jeux olympiques de Rome en 1960, il décida de faire rayonner le sport en lui accordant plus de moyens et couvrit la France de stades et de gymnases. Le film Les Rendez-vous de l’été, réalisé en 1966 par Jacques Ertaud, s’attache à saisir au plus près la beauté du geste sportif et filme avec un grand respect l’humanité extrême qui se dégage de l’entraînement de l’équipe d’athlétisme pour les championnats du monde de 1966.
Le Jardin des planches est une sorte d’ovni qui filme un sport naissant, le skateboard, illustrant avant tout le plaisir du jeu et la liberté de se mouvoir dans un espace urbain – ici au Trocadéro mais cela pourrait être à Valparaiso ou à Copacabana –, anticipant ainsi une société où les villes s’étendent à l’infini… et donnant à voir toute la dimension-monde du sport. Mais le sport se fait également l’écho des phénomènes d’exclusion qui traversent la société : interdites de pratique sportive, absentes des grandes compétitions internationales, les femmes doivent attendre la deuxième édition des Jeux olympiques (organisée dans le cadre de l’Exposition universelle à Paris) pour y faire leur apparition. Elles ne sont alors que vingt-deux à participer aux Jeux, sur un total de près de mille athlètes…
Aujourd’hui, les femmes font entendre leur voix et claironnent qu’elles aiment le sport. Dans En terrain libre, des jeunes filles revendiquent haut et fort leur amour du football, tout en soulignant les nombreux obstacles qui entravent leur participation effective. Le football est le sport le plus universel, objet de passions à l’échelle planétaire. C’est ce qui unit, à Paris, les membres de l’équipe Melting Passes composée de mineurs isolés.
Just Kids nous raconte leur odyssée poignante et, tandis qu’ils attendent de passer devant le juge et de pouvoir ainsi reprendre leur scolarité, le film nous invite à voir la solidarité déclinée en actes, d’entraînements en matches victorieux. Enfin filmer le sport c’est aussi le penser. Edgar Morin nous y invite avec son œil de sociologue aiguisé : le sport est une manière de raconter le monde et les rapports humains. Quelle autre activité est capable de réunir autant de personnes ? Nous n’avons pas fini de voir le cinéma témoigner du sport…