La danse est-elle essentielle ? Au moment où les théâtres ouvrent à nouveau leurs portes et que la pratique collective de la danse reste limitée, on est en droit de se demander si les sempiternelles questions sur l'utilité de l'art ne révèleraient pas plutôt le caractère subversif de cette pratique artistique.
Initialement prévue à l'automne 2020, la Biennale de la danse de Lyon aura finalement lieu dans une version concentrée du 1er au 16 juin 2021. Pour célébrer ces retrouvailles avec la création chorégraphique actuelle, nous avons demandé aux programmateurs et programmatrices de Tënk de nous proposer des films pour explorer la puissance de cet art. Ils ont sélectionné 7 films qui nous parlent de danse mais surtout de métamorphoses, d'affirmation et de libération !
"C'était magnifique, ça démarrait avec un grand coup de tronçonneuse !" raconte joyeusement un des habitants de Guisseny dans Dedans ce monde (34min, 2016). Face à la caméra de Loïc Touzé, ces amateurs tentent de mettre des mots sur les gestes chorégraphiques expérimentés collectivement depuis plus de 10 ans aux côtés des artistes accueillis en résidence dans leur village du Finistère Nord. Au-delà des mots, la danse permet d'accéder à la rencontre, à l'autre, comme dans Une jeune fille de 90 ans réalisé par la comédienne Valeria Bruni Tedeschi et Yann Coridian (90min, 2016). Lors d'ateliers dans un service de gériatrie, le chorégraphe de renom Thierry Thieû Niang va faire éclore les souvenirs, des sentiments profonds et même l'amour chez les pensionnaires…
La danse, de par l'engagement des corps et des âmes qu'elle requiert, tisse des liens étroits entre ce qui est de l'ordre de l'intellect et de l'expérience sensible, de l'engagement intime et du partage collectif. "Quel est ce moment de l'histoire que nous vivons ensemble ?" Dans +Maguy Marin : l'urgence d'agir +(110min, 2019), David Mambouch interroge sa mère et nous révèle le parcours de cette figure mondialement connue mais aussi ses rires, sa pensée aux côtés de la troupe qui l'accompagne depuis ses débuts. Un coup de poing joyeux et rageur dans le visage de la barbarie, un vaste mouvement des corps et des cœurs. Dans Être Jérôme Bel (79min, 2019), Sima Khatami et Aldo Lee ont suivi eux pendant 4 ans celui qui prône la vérité des interprètes (amateurs le plus souvent). Mais pourront-il documenter ce travail radical sans être rattrapés par la forte personnalité de l'artiste ? Il en résulte des scènes savoureuses où celui qui prône la mort de la mise en scène revendique la paternité des images du film… La vie et l'art ne font alors plus qu'un.
Mémoire du corps, souvenirs qui ressurgissent, la danse fait également office de révélateur. Comme pour Jann Gallois danseuse et chorégraphe. Dans le court métrage de Claire Juge (À travers Jann, 25min 2019), on découvre comment le corps, son outil de travail peut parfois révéler d'anciennes blessures mais aussi permettre de les dépasser. Une réappropriation des corps et de l'histoire palpable dans Lightning Dance de l'artiste argentine Cecilia Bengolea. Ses 6 petites minutes réussissent à nous faire éprouver le travail des danseurs populaires de Dancehall filmés sous l'orage en pleine rue pendant les inondations à Spanish Town, en Jamaïque en 2017. Une rencontre électrique où la danse fait pleinement partie de la vie !
"Je suis du côté des vivants" nous dit la voix d'Alain Buffard. En 1998, le chorégraphe, atteint du Sida, revient à la scène avec Good Boy, un solo où il met en scène son propre corps, ses forces et ses faiblesses, ses puissances et ses fragilités. Dans son film Good Boy, histoire d'un solo (74min, 2020), Marie-Hélène Rebois réussit à saisir ce qui fait l'essence de cet artiste subversif… et nous parle de ce que pourrait être in fine la danse : un art pour "rester debout" !