Brisons le quatrième mur ! Tel un écran imaginaire, le quatrième mur sépare, au théâtre, l'acteur du spectateur, et « au travers » duquel celui-ci voit les acteurs jouer, contribuant à l'illusion d'une réalité de la fiction. Au cinéma, la caméra a la même fonction que ce rideau artificiel. Briser le quatrième mur, c’est remettre en question la séparation symbolique entre la fiction et le réel. C’est aussi faire référence à l’œuvre en train de se faire, envisager la présence du spectateur et l’engager à se questionner sur les formes de la représentation. Ce procédé fonctionne comme une invitation à entrer dans le récit, à pénétrer curieusement dans l’intimité de l’œuvre. Et briser le quatrième mur procède tout autant de la volonté du créateur que de la réception de l’œuvre par ses spectateurs. Cette Escale est une invitation à explorer 6 films soutenus par le Centre national des arts plastiques (Cnap) par le prisme de la métafiction, des œuvres qui par leurs formes d'écritures singulières et autoréférentielles, dévoilent leurs propres mécanismes.
Qu’ils suivent la piste d’un animal mystérieux dans la jungle camerounaise dans L'Hypothèse du Mokélé Mbembé de Marie Voignier, réalisent des tests en laboratoire dans un futur hypothétique dans Labour Power Plant de Robert Schlicht et Romana Schmalisch ou se prennent eux-mêmes au jeu politique comme Thomas Paulot et sa bande dans Municipale, chaque film est une enquête sur lui-même, sur le processus de l’image en train de se faire.
Prenant le risque du renouvellement des formes, des cinéastes se rassemblent, mettent leurs forces et leurs moyens en commun, tentent de créer un safeplace dans So Pretty de Jessica Dunn Rovinelli ou font collectif au bord de la Manche le temps d’un été normand dans Le Bel été de Pierre Creton. Ou, à l’instar du protagoniste de JA de Gaëlle Boucand, quittent volontairement le navire.
À l’image, tout est éprouvé par l’expérience vécue en commun, avant d’être réinventé pour le cinéma. Des cinéastes explorent des territoires inconnus, documentés et cartographiés par les gestes du cinéma. Des films autour des questions de pouvoir, de contrôle et de croyance, de luttes, d’extinction et d’évolution, personnelle et collective, une exploration des formes naturelles et des incursions dans le surnaturel : autant de récits qui constituent un espace de cinéma inclassable, au croisement des genres et des formes.
Cette Escale fonctionne comme une plateforme d’observation de cet espace hybride où dialoguent des écritures filmiques inédites entre art plastique et cinéma contemporain. Depuis plus de vingt ans, le Cnap accompagne cinéastes et artistes qui s’emparent des dispositifs du documentaire pour explorer la fiction au cinéma. Il soutient des œuvres qui interrogent les mutations esthétiques contemporaines, et la manière dont le cinéma est venu, dans le secteur des arts plastiques, distiller une pensée qui permet à l’art de renouveler son langage.
Marie Lanne-Chesnot
Chargée du soutien Image/mouvement, Centre national des arts plastiques (Cnap)